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2 juin, 2011

Essai sur les années 90

Classé sous Politique — yrepnomis @ 20:07

La nouvelle est tombée, les jeunes d’aujourd’hui ne sont plus soixante-huitards. En effet, une enquête des années 2000 avait fait de Nicolas Sarkozy la personnalité préférée des jeunes. Pourtant, ce phénomène est plus ancien. Les jeunes sont devenus réactionnaires dans les années 90.

Les années 90 se caractérisent par plusieurs phénomènes : socio-politiques et de mode. La percée du Front National et la popularisation de son discours ont débuté à cette époque. Les années 90 ont aussi vu le succès de tendances apparues dans les années 80 : le rap et les jeux vidéos. Chacun se rappelle de l’année 1998, où la radio Skyrock a décidé de mettre presque toutes ses billes dans le rap, ce qui lui valut un franc succès. On se souvient aussi du succès de consoles comme la Super Nintendo ou, a fortiori, la Playstation. Pourtant, à cette même époque, les adultes dénigraient ces phénomènes. Les jeux vidéos et le rap étaient vus comme des loisirs devant leur succès aux caprices de la mode, n’intéressant que les jeunes, et étant indignes de l’intérêt des adultes. Quant au Front National, il était montré comme un parti méchant, qu’il fallait combattre et qui ne pouvait séduire que les idiots. Les journalistes avaient pris l’habitude d’agresser Lepen, laissant entendre qu’il était interdit de penser comme lui. Cependant, ces phénomènes ne se sont pas dissipés. Au contraire, ils ont grandi, jusqu’à être acceptés. Comment les comprendre ? De quoi parle le rap ? Que procurent les jeux vidéos à leurs utilisateurs ? Qu’est-ce qui motivent les jeunes à voter Front National ?

Ce qui est intriguant, c’est que ces questions ont été mises en sourdine pendant la décennies 1990, pour tomber du ciel comme une bombe dans les débats des années 2000.

Le rap est né aux Etats-Unis dans les années 80. Comme tout ce qui vient de là-bas, il s’est imposé au reste du monde très rapidement. Mais c’est seulement dans les années 90 qu’il est devenu populaire. La décision de Skyrock, de passer 90% de rap, a permis à ce-dernier de sortir du « ghetto ». Et quand le rap français s’est développé, une seconde étape a été franchie, puisque les auditeurs ont pu comprendre le discours des rappeurs. Le contenu du rap a d’ailleurs alimenté les polémiques, surtout chez les féministes et les syndicats de policiers. Cependant, résumer le rap à un discours sexiste et anti-policier serait réducteur. En cherchant bien, on trouve chez les groupes de rap des contenus différents et méritant qu’on s’y attarde. A titre d’exemple, on citera la chanson « Que faire ? » de 2 bal 2 neg. C’est une excellente narration sur les rapports père-fils. Le morceau parle d’un garçon qui veut faire de la musique alors que son père s’y oppose.

Le début de la chanson est très beau : « Il me disait souvent qu’il désirait fuir, qu’il voulait s’éloigner [...] oui, il songeait à partir. » On notera des qualités littéraires chez les auteurs : le fait de laisser le protagoniste anonyme crée un mystère, ce genre de mystère qui fait le charme d’un film. Le fait, aussi, d’avoir évité les répetitions (désirer, vouloir, songer), montre une bonne maîtrise de la plume. Enfin, le fait de parler à l’imparfait donne l’impression d’entendre une histoire d’autrefois, comme celles que racontent les grands-mères à leurs enfants. La chanson continue par : « Mon ami était prisonnier de son esprit » ce vers, tiré peut-être de Malcolm X, empreinte à la philosophie « new age », encore à la mode à cette époque.

La première observation que l’on peut faire, c’est que cette chanson traite d’un sujet très à la mode pendant les vingts dernière années du vingtième siècle : les disputes entre parents et enfants. On pourrait croire que la chanson est progressiste, mais c’est faux.Le deuxième couplet commence par : « Quand une mère meurt il ne reste plus de parent ». Ici, on a à faire à une remarque sexiste, la mère a un rôle particulier dans l’éducation. Seule la mère s’occupe de l’enfant. On voit bien la différence entre les rappeurs d’une part, et les hippies et les punks d’autre part. Les rappeurs ont toujours honoré la famille, rappelé l’importance d’être en paix avec ses parents. A ce titre, ils sont réactionnaires, car les courants de pensée précédents dénigraient la famille et prônaient la disparition de l’autorité parentale. Cependant, les auteurs expriment un certain progressisme quand ils fustigent l’attitude intégriste du père : « Il joue à cache-cache, il se cache derrière sa Bible ». Ici, ils sont modernes car ils critiquent la religion. Mais un autre passage pourrait être interprété comme raciste : « Semblable à la majorité des pères africains, la religion dans sa maison dominait le terrain ». Critiquer à la fois les étrangers et la religion, cela exprime bien la lutte entre idées modernes et idées traditionnelles qui se déroulait dans l’esprit des jeunes des années 90. On se trouve face à un texte ambigu, qui représente avec honneur l’esprit de la décennie 90.

Le succès du rap n’a pas éclipsé celui des jeux vidéos. Alors que les Américains avaient inventé les premiers  jeux à support informatique dans les années 1950, c’est seulement dans les années 80 que les japonais les ont rendus populaires. Personne n’a oublié Super Mario Bros, le premier épisode de la fameuse série, qui a marqué les esprits autant qu’il les a égayés. Partant d’une idée simple mais efficace, le jeu met en scène un personnage qui doit parcourir une chemin semé d’obstacles pour retrouver une princesse. A l’époque, peu ont remarqué à quel point le concept du jeu s’inspirait des contes de fées : une princesse, un héros et des créatures magiques. Cela explique pourtant le succès du jeu auprès des enfants. Les autres raisons sont des décors colorés, une musique rythmée et une difficulté très bien graduée. Ce chef-d’oeuvre a cependant des défauts : il est trop difficile, peu de gens ont passé le dernier niveau, il est très répétitif, les notions de choix et d’exploration sont complètement absentes et l’absence de sauvegarde pose problème vu la longueur du jeu.

Nintendo a corrigé ces défauts dans deux autres jeux : Zelda et Megaman. Avec la légende de Zelda, on découvre un jeu où l’on peut explorer un univers. Cette possibilité est très stimulante pour le joueur. Les enfants du monde entier ont pris plaisir à visiter les coins et recoins des labyrinthes de Zelda. Dans Megaman, deux choses interpellent le joueur. On peut passer les niveaux dans n’importe quel ordre et les pouvoirs du personnage évoluent. On découvre alors une liberté qu’on ne connaissait pas jusqu’alors. De plus, avec la notion d’évolution, jouer à un jeu vidéo devient aussi stimulant que d’élever un animal. On comprendra donc que les jeux vidéos apportent aux jeunes un sentiment d’aventure et une stimulation fournie par des épreuves difficiles et originales. Les jeux ont ensuite évolué pour atteindre une sophistication difficilement imaginable au début des années 90. Mais ils n’ont pas perdu l’imagination et la poésie qui ont fait leur succès.

Parallèlement, dans le monde politique, une nouvelle étiquette se faisait entendre : celle du Front National. Longtemps critiqué, ce parti a su imposer ses idées et son style à une société en pleine déroute. A tel point que les autres partis doivent s’en inspirer pour être populaires. Mais si le Front National a si bien duré, c’est parce-qu’il a évolué. Autrefois, Jean-Marie Lepen était très à droite, il prônait la liberté du patron contre le socialisme. C’est dans les années 90 qu’il a introduit une touche de social dans son discours. Lepen a su méler gauchisme et xénophobie avec brio. Il a expliqué que les Français étaient de plus en plus pauvres, et que la cause de la misère était l’ouverture des frontières. Le capitalisme international et l’immigration sont devenus les ennemis du peuple. Cette thèse a-t-elle séduit les Français ?

Dans un premier temps, elle fut montrée comme monstrueuse. Un vaste rejet illusoire a été organisé pour contrer le succès grandissant du Front National. Je dis « illusoire » car, en réalité, Le FN n’était pas rejeté. Son score n’a fait que grandir dans les années 90, pour atteindre les 20% dans les années 2000. Les statistiques ont montré que les jeunes étaient le premier public du Front National. Ce qui s’explique par l’échec de la politique des internationalistes et l’effondrement de certains mythes modernes. Le constat est sans appel, les années 90 ont laissé de belles choses, mais ont sonné le glas de l’idéologie de mai 68.

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